24 Heures du Mans 2020 ...

Par : Amandine - Catégories : Résumés de courses

Quand les conditions climatiques t'obligent à piloter avec ta tête.

Le réveil sonne, c’est l’heure du départ pour le circuit Bugatti (restrictions sanitaires obliges, il ne nous était pas possible d’arriver la veille)

C’est parti pour 6h de route afin d’arriver à 9h sur le circuit des 24h pour l’installation du box.

9h15 notre semi-remorque rentre dans le paddock, une grosse journée en perspective : installation du box et de l’hospitality, ce soir on devrait bien dormir :P

9h30, c’est parti pour 4 tours de piste en vélo sur le Bugatti en compagnie de mon coéquipier Gabin Bruyat  afin de préparer cette première journée d’essais. On aura d’abord roulé en Lapierre avant de rouler en R1 :P Au passage un grand merci aux Vélos de Chailluz pour mon vélo de route ;-)

14h contrôle technique des motos

17h début des premiers essais privés … les choses sérieuses commencent 

C’est mon coéquipier Gabin qui part en premier (je déteste partir en premier avec une moto qui n’est pas la mienne, j’ai peine à faire confiance quand ce n’est pas mon matériel)

Drapeau vert, c’est parti. Gabin rentre au bout d’un tour, il n’y a pas de shifter. En 30 secondes c’est résolu et le voilà reparti en piste.

17h18 Drapeau rouge ! Toutes les motos rentrent au box sauf la nôtre. Gabin est tombé au garage vert. Nous préparons la deuxième moto afin de pouvoir repartir rapidement quand l’intervention sera terminée. Après 40 minutes d’arrêt, nous repartons en piste avec la deuxième moto, il ne nous reste qu’une heure pour commencer les premiers réglages de la R1.

19h fin des essais, c’était un peu court pour tester plusieurs réglages mais on va visiblement dans le bon sens. Les mécaniciens vont avoir du boulot sur la première moto afin qu’elle puisse rouler demain, je pense qu’ils ne vont pas beaucoup dormir  En ce qui concerne notre pilote qui a chuté, il a été transporté en urgence à l’hôpital du Mans afin d’y subir une opération (ablation de la rate qui a éclatée). L’aventure s’arrête donc ici pour lui et nous ne sommes plus que 3 pilotes à l’issue de la première journée d’essais.

Journée difficile sur le plan psychologique mais demain est un autre jour !

Les mécaniciens ont bossés toute la nuit sur la moto qui avait chutée, un grand merci à eux pour leur investissement.

9h les deux motos sont prêtes ! Début des essais, nous avons 2h pour trouver un réglage qui convienne aux 3 pilotes. La météo est clémente et je commence à avoir de bonnes sensations au guidon de cette machine. Un problème persiste, il est compliqué d’accélérer, difficile de trouver du grip sur le pneu arrière. 11h drapeau à damier, prochains essais à 13h, nous aurons à nouveau 2h pour continuer à travailler sur le châssis.

13h, c’est reparti pour une séance de tests, la moto devient vraiment plus agréable, et les chronos commencent à être corrects, de bonne augure pour les qualifications qui ont lieux dans quelques heures. 15h drapeau à damier, fin des essais. A 17h … les premières qualifications, la pression monte :P

16h30 … la pluie s’invite sur le circuit Bugatti et bouscule nos plans pour les qualifications. Ça s’active dans le box, on monte les pneus pluie la piste est trempée. A savoir que nous n’avons eu aucuns tests sur la pluie depuis le début de la semaine et que nous allons devoir partir en qualifications avec des conditions et des réglages que nous n’avons pas testé

17h, mon coéquipier Flo (brassard bleu) part en qualification en pneus pluie alors que le soleil repointe déjà le bout de son nez

La piste sèche alors qu’il reste 5 minutes de qualif, les teams officiels rentrent et claquent un chrono en pneus slick alors que Flo est toujours en pneu pluie. La piste est encore un peu limite pour nous pour rouler en slick. Flo rentre car il va être impossible de se qualifier dans ces conditions. Il aura la Q2 pour se rattraper.

Du coup, c’est a mon tour, mais la piste est-elle vraiment sèche ? Quoi qu’il arrive je ne peux pas partir en pluie, alors on met les slick, sauf que je ne sais pas du tout ce que je vais trouver en piste.

Ce sera pour tout le monde pareil ! Je pars et … il se met à pleuvoir dans la ligne droite de derrière au niveau du chemin aux bœufs. Il ne pleut qu’à cet endroit, il va donc falloir rester en piste avec les pneus slick et faire attention à ne pas se faire piéger dans cette partie. A quelques minutes de la fin de ma qualification, la pluie s’arrête … mais je ne parviens pas à remettre du rythme. Un seul tour aura suffi aux teams de devant pour faire un beau chrono ce qui me place en dehors de la qualif pour quelques dixièmes. Moi aussi j’ai cramé mon Joker et il va falloir que j’aille au charbon en Q2.

Gabin étant à l’hôpital, il n’y a plus de pilote rouge de notre équipe en qualifications.

Et c’est au tour d’Antoine d’avoir les mêmes conditions et de ne pas se qualifier non plus.

Bon si on en reste là … il n’y a que 18 motos sur la grille de départ samedi :P mais c’est aussi pour ça qu’il y a une Q2, en espérant que les conditions climatiques soient plus clémentes.

Essais de nuit, seul Antoine ira en piste afin de roder les plaquettes de la course :-)

Journée terminée, une bonne nuit de sommeil est nécessaire afin d’être efficace en qualif demain après midi.

:-)

9h petite séance d’essais matinale sur une piste sèche. Je commence a retrouver de bonnes sensations, le sourire … et du coup de bons chronos. Sans forcer et sans pneus neufs je réalise un petit 1’43’5, de quoi me mettre a l’abris sur la prochaine qualification. Relativement confiante, je pense être capable d’aller cherche un gros 41 en qualif. La moto va mieux que la veille, le setting me convient, la moto est moins physique et j’arrive a rouler comme je sais faire. J’attend avec impatience le début des essais chronos :P

Malgré tout, une petite modif est faite sur le setting de la moto à l’issue de ces essais, celle ci devrais nous permettre de gagner encore un peu en motricité. On verra bien …

13h, Flo, brassard bleu, part en piste pour sa Q2. Et en quelques tours ils réalisent de très bon chronos, pour terminer avec un joli 1’42’7 ! Il valide que le réglage fait juste avant cette Q2 lui convient, ce qui me met en confiance.

13h30, c’est parti pour 20 minutes a bloc :P

Premier tour et … je ne reconnais pas la moto que j’ai piloté le matin. Ca motrice … mais ca tourne plus ! Je vais être obligé de faire un mission suicide pendant 20 minutes pour sortir un chrono. Quelques tours d’apprentissage ou je loupe tous les points de cordes, et je comprend comment marche la moto. Maintenant il faut se sortir les doigts du c** :-) On me panneaute que les motos de têtes améliorent les chronos et qu’il va falloir que je fasse de même. Je me concentre et j’arrive derrière une kawa (la 85 pour ne pas la citer :P ) et là je bloque. Impossible de doubler, il roule moins vite que moi, mais il freine très fort, très tard, il est « arrêté » au point de corde et me casse toute ma vitesse de passage. Je m’énerve 3 tours derrière et l’horloge tourne, il reste moins de 2 minutes de qualif et je n’ai toujours pas sortir un chrono de dingue. Je n’ai plus le choix, je tente une attaque sortie du garage vert et reste a gauche pour fermer la porte à l’entrée du chemin aux bœufs. BINGO, ça passe … sauf qu’il reste 30 secondes avant que le damier sorte. Je franchis la ligne d’arrivée 10 secondes avant la fin du temps réglementaire, ce qui me laisse un tour chrono (pour une meuf comme moi qui est un vrai diesel … ca va être une mission commando mais je n’ai absolument pas le choix)

Personne devant, je vais pouvoir faire un tour sans parasites, à moi de tenter de faire LE tour parfait. Concentration … vous n’imaginez même pas ce qu’il se passe dans ma tête à ce moment là ! Je n’ai pas le droit de louper aucun point de corde, je n’ai pas le droit de perdre trop de vitesse en entrée et surtout … je me dois de remettre du gaz le plus tôt possible … je n’ai qu’un seul tour pour me qualifier ! Je sors du raccordement, avec la sensation d’avoir fait un tour correct (pas idéal mais pas cata) et je jette un œil sur le Corsaro au moment de passer la ligne … 1’43’8 ! Sauf si les pilotes de tête ont battu le record de la piste (ce qui m’étonnerait) c’est sur que ça passe! Alors clairement c’est pas un gros 41, c’est bien loin de l’objectif que je m’étais fixé, mais ça passe et … m**** c’était pas gagné ! Je rentre au stand, avec les larmes aux yeux. Mon équipe m’attend, avec le sourire … encore un grand moment d’émotion.

Je dédicace cette qualif à mon coéquipier (qui accessoirement est également mon conjoint dans la vie de tous les jours) qui est à l’hôpital du Mans et qui nous regarde a la télé.

14h … pas de pilote rouge pour notre équipage, la qualification se déroulement avec un pilote de moins.

14h30, c’est au tour d’Antoine de tenter l’impossible!

20 minutes pour réaliser un chrono qu’il n’a jamais fait, mais je crois en lui !

Ses chronos sont les mêmes que le matin lors des essais, et au passage du drapeau a damier, ce chrono ne suffira pas pour se qualifier.

Nous ne sommes donc que 2 à être qualifiés.

Maintenant la question se pose : est ce qu’on fait la course a deux ? ou est ce qu’on va chercher un 4ème pilote dans un autre équipage ?

Après réflexion je me sens de faire la course a deux, et ce serait un super challenge. Mais en cas de chute nous n’aurons aucune marge de manœuvre, et si les condifions climatiques sont compliquées, on risque de souffrir physiquement. La nuit porte conseil, nous ferons notre choix demain matin.

Après réflexion, et vue la météo annoncée pour l’ensemble de la course, il est plus judicieux d’être 3 pour cette épreuve de 24 heures. Pendant que je fais le Warm Up … seule, Flo part a la recherche d’un troisième pilote pour la course. Un Warm up où je vais m’occuper de roder des plaquettes dans un premier temps, ce qui ne m’a pas dérangé car c’était trempé. Et quelques tours a la fin avec un peu de rythme pour me mettre dans le bain pour la course.

10h30 fin de ce warm up, et notre équipage compte à nouveau 3 pilotes. Adrian Parassol, journaliste du magasine HIGH SIDE rejoint notre team pour la course.

A midi, Flo prendra le départ et la Yamaha #22 du Team 202 et l’équipe s’élancera pour 24 heures de course sur le mythique circuit Bugatti

Une procédure de départ plus rapide que d’habitude, sans public, il y a moins d’intérêt a rester une heure sur la grille de départ. La moto est montée en pneu slick car pour le moment … ca a l’air sec mais la course s’annonce dors et déjà difficile point de vue météo. Nous sommes placés 37ème sur la grille de départ

12h, le drapeau tricolore traverse la piste et Flo réalise un bon départ … ca y est c’est parti :-)

Premier relai vers 13h pour moi, en pneu slick et sur une piste … quasi sèche, je ne fais pas ma difficile ! 41 tours bouclés avec des micros averses qui mouillaient plus ou moins la piste et je redonne le guidon a Adrian.

15h30 la pluie s’intensifie et on chausse les pneus pluie. Nous sommes actuellement 29ème au classement général et 15ème en superstock.

Deuxième relai beaucoup plus compliqué, avec l’arrivée de la pluie, Flo m’a redonné la moto en pneus pluie … sauf que c’est en train de sécher et que je suis à l’agonie avec ces pneus, j’ai une moto qui bouge dans tous les sens. La moitié du plateau en pneus pluie, l’autre en slick, des écarts énormes en terme de chronos ! L’objectif : rester sur ses roues !

Au bout de 5h de course, nous sommes sous safety car et nous pointons déjà a la 27ème position du classement général.

19h, il commence à faire nuit et la pluie a cessé ! Si ca pouvait rester comme ca, ce serait chouette ! Les premiers relais de nuit sont difficiles, des taches d’humidité persistent … à l’entrée de la chapelle, à la sortie du musée (ou l’accel est très délicate) et ca ne sèche pas :-s

Minuit … on arrive a la mi course et je ne comprend toujours pas pourquoi la piste reste humide. bref on fait avec mais ca reste piegeux!

Fin de mon 4ème relai, je commence a avoir mal aux yeux, j’ai hâte que le jour pointe le bout de son nez.

8h00 … la pluie fait son retour ! Des petites averses et Flo se fait piéger. Chute de Flo au garage vert, sans gravité, il ramène la moto au box.

Petit Cheeck de la moto, on change un demi guidon et la moto peut repartir … oui mais on met quoi comme pneu car il ne pleut plus. Je sors sur la pit line … et voilà que c’est le déluge, on arrête de se poser des questions et on monte les pluie, ça s’active dans le box :-) Je pars donc pour mon 6ème relai en pneus pluie, et au bout de 15 tours ça sèche et je vais encore vivre un enfer.

Mon dieu que cette course est difficile sur la plan psychologique ! Je rentre car je vais réussir a me mettre par terre, on me remet des slick et je repars. Au bout de 2 tours je sens un truc bizarre, la roue arrière se bloque sur les grosses charges, je rentre (encore). Les mécanos se ruent sur la moto pour trouver le problème. On s’aperçoit que l’écrou de pignon de sortie de boite est desserré, un petit coup de clef et je repars en piste. Mais je vais finir par rentrer a nouveau car le problème ne vient pas de là, la roue arrière continue de se bloquer sur les grosses accélération en 2ème, c’est super dangereux. Je rentre a nouveau au stand. Après ma description du problème la sentence tombe … La boite de vitesse est cassée. Qu’est ce qu’on fait ? Il est inconcevable d’abandonner, je repars en piste, avec une moto ou la 2 est hors d’usage, il va donc falloir rester en 3 partout, ca va être compliqué mais ca peut se faire. Les relances à la sortie du garage vert et du raccordement sont compliquées en 3ème, la moto n’avance pas … mais on reste en piste et le but est de rallier le damier.

Ce 6ème relai aura été très compliqué pour moi, cette météo changeante est fatigante !

11h30 je pars pour mon 8ème et dernier relai, je suis en slick et ca me ferait plaisir que ca reste sec jusqu’à la fin. Mais ca aurait été trop beau que ca se termine comme ca, 11h45 la pluie refait son apparition, tout d’abord au chemins aux boeufs, puis dans le S bleu, au raccordement, dans toute la ligne droite et la courbe dunlop. Je ralenti le rythme au fur et a mesure des tours, la sortie du raccordement est trempée, je patine alors que la moto est droite, mais il est impossible de rentrer au stand car il ne pleut pas sur la totalité du circuit. Elles vont être longues les dernières minutes dans ces conditions …

Entrée de la ligne droite des stands, je regarde le panneau du SERT, il reste 6 minutes de course, je rend la main, il est hors de question de prendre des risques, ca fait 6h qu’on se bat avec une moto qui n’a plus de boite, j’entame les 4 derniers tours de cette course a une allure d’escargots !

Midi … le damier ! La délivrance ! La pluie vient de s’arrêter pour ce dernier tour (milles mercis :P ) et j’ai les larmes aux yeux tellement cette course a été difficile ! Nous sommes 28ème du général et 15ème en superstock.

C’était mon 9ème départ en course de 24 heures … et de loin pour moi la course la plus compliquée, le plus fatigante et la plus difficile, mais pas sur la plan physique … sur le plan psychologique. Les erreurs étaient faciles a faire, il a fallu rester très concentrer pour rester sur nos roues. Un damier qui a une grande valeur pour moi, et que je dédicace tout d’abord a toute mon équipe qui a été formidable tout au long de cette épreuve, mais aussi a mon coéquipier qui est convalescent à l’hôpital du Mans.

Cette semaine de course aura été très très riche en émotion ! Et je tiens à remercier toutes les personnes qui ont rendus cette manche du championnat du monde d’endurance possible ! Milles mercis a tous

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